Un pion, c’est tout.

Chers amis,

Je vous propose un petit retour dans le passé (l’an dernier : le bond n’est pas trop violent) pour éclaircir la manière dont mon poste RASED s’est retrouvé supprimé.

Quelques rappels chronologiques :

• 1983-1986 : Ecole Normale d’Instituteurs
• 1986-1988 : En poste dans un IR puis dans une classe de perfectionnement
• 1989-1990 : Spécialisation professionnelle (Formation Capsais)
• Ancienneté générale actuelle (en 2009) : plus de 25 ans.
• Ancienneté dans la spécialisation : près de 20 ans.

La préhistoire :

Revenons un instant sur cette idée de suppression des RASED (une tragédie en trois actes). Souvenez-vous en :

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La protohistoire :

Cette période débute lors de la réunion « sabordage » RASED de février 2009.
Notre circonscription a toujours été perçue par l’IA comme étant « sur-dotée » en maîtres spécialisés, par rapport à d’autres secteurs (toujours cette logique du « moins disant »)… Donc : réduction de 50 % demandée. Dur, dur…
Heureusement, le hasard a voulu que suffisamment de nos collègues partent à la retraite à ce moment-là, ce qui permit des fermetures de postes sans qu’un seul des collègues spécialisés en exercice ne soit touché directement. Dans son immense mansuétude, l’IA de l’époque nous alloua trois postes dénommés (à l’époque) « surnuméraires » ou « sédentarisés » (maîtres spécialisés placés sur une seule école). Au bout du compte, il nous resta 4 postes RASED « E » (adaptation) et 2 postes « G » (rééducation). Avant, nous étions 12…
A ce moment, j’étais toujours maître spécialisé RASED « E ».

L’insistance d’une certaine rééducatrice (spécialisée depuis quelques trois ans à peine) parvint à faire changer la donne auprès de l’IEN ( »défendons les rééducatrices » !) et la nouvelle répartition devint 3 « E » et 3 « G ». Un poste « E » en moins…
A ce moment, j’étais toujours maître spécialisé RASED « E ». Mais mon autre collègue « E » RASED devenait « sédentarisé ». Intervenant déjà sur une seule école assez grande, cela ne bouleversera pas ses pratiques…

Antiquité (si ancien mais tellement proche) :

Quelques jours plus tard, l’IEN me joignit un vendredi après 19h00 pour m’annoncer la nouvelle suivante : il s’était trompé (sic). En effet, mon collègue ne pouvait devenir « surnuméraire » car un poste RASED en moins dans son école faisait perdre à son directeur sa décharge totale ! « Donc c’est vous qui sautez ! » (re-sic)… Premier bobo collatéral (j’ai rien fait : un directeur allait perdre sa décharge).
A ce moment, je n’étais brusquement plus maître spécialisé RASED « E ». J’étais devenu « surnuméraire »… Le malheur, c’est simple comme un coup de fil !

Moyen-Âge (mais alors, très très moyen)… :

Rentrée scolaire, septembre 2009. Mauvais départ : nous apprenons (seulement à ce moment) une fermeture de classe dans l’école où j’ai été assigné à résidence pédagogique. Branle-bas de combat ! Occupation de l’école par les parents durant près d’une semaine. Professionnellement parlant, j’avais alors prévu de poursuivre mes démarches d’aides dans mon école de rattachement ainsi que dans l’école du quartier de Fardeloup (aux nombreux besoins) dans laquelle j’avais entamé un travail de fond voilà quatre ans, conjointement avec l’équipe pédagogique et les autres membres du RASED. La circulaire ministérielle parue en août permettant explicitement de pouvoir intervenir sur « une ou deux écoles » (relisez-la). Alors…

L’époque moderne (façon de parler) :

Dans le tumulte post-fermeture de classe, une délégation de parents fut reçue par M. l’Inspecteur d’Académie. Et ces parents tentèrent d’obtenir un remplaçant pour l’année afin de ne pas perturber la structure de l’école (nombre et composition des classes établies depuis juin dernier). L’IA refusa de nommer un remplaçant sur l’année arguant du fait que cet établissement scolaire était par ailleurs particulièrement doté (AVS, « Maître surnuméraire »). Or dans la grosse confusion qui suivit, des parents (par méconnaissance du système, je présume) proposèrent par exemple que le « maître surnuméraire » soit mis sur le poste la classe fermée cette année ! (Ben voyons !)… Heureusement l’IA rappela qu’un personnel spécialisé avait des spécificités propres et différentes de celles d’un ZIL ou d’un brigade (tous deux remplaçants). Bon.

Mais un autre parent revint à la charge (dans une logique d’égoïsme forcené : « on veut tout, le plus possible, pour notre école seulement ! ») : « Oui mais M. Karouby n’intervient pas seulement dans notre école mais aussi dans l’école de Fardeloup » (les nouvelles vont vite !…). [Arrêt sur image] : mais de quel droit des parents se permettent-ils de me citer ainsi devant l’IA et de porter en quelque sorte un jugement sur ma pratique pédagogique – après 23 ans de spécialisation – sans même m’en parler au préalable ??? [Redémarrage]. L’IA précisa alors que le « maître surnuméraire » n’interviendra dorénavant que sur cette SEULE école (je devenais en quelque sorte, à l’insu de mon plein gré, une « variable d’ajustement » susceptible de pouvoir contenter les parents d’élèves)…

L’époque contemporaine (mais alors très temporaine) :

L’IEN se déplaça dans mon école de rattachement pour m’annoncer directement la triste nouvelle… Situation ubuesque : quelques jours plus tard, je croise une maman d’élève que je connais depuis des années qui en me voyant m’annonce « Félicitations ! ». Moi, interloqué, n’ayant pas entendu parler de promotion quelconque, lui demande de quoi elle parlait. Sa réponse : « Mais on a réussi à vous faire revenir dans votre école à temps plein ! Des parents me l’ont annoncé ! C’est une belle victoire, non ? Félicitations encore ! Là, c’en est trop. Je ménage cette maman en lui expliquant que j’en avais ras le bol qu’on parle de moi ainsi sans me tenir au courant !!! Je précise aussi que « grâce » à ces parents envahissants, les aides pédagogiques dans la deuxième école que j’évoquais plus haut s’arrêtaient brutalement.

Mais que valent mes considérations pédagogiques face à un tel amoncellement de bêtises et d’ignorances, face à ce rouleau compresseur des économies budgétaires… Re-dommage collatéral : la fermeture de classe dans cette école, j’y suis pour rien ! (Je vous assure !)… Me voici donc sur cette école, nommé sur un poste RASED  certes, mais sédentarisé et pour un an seulement. La précarité en plus…

Epilogue :

Entre temps, nous avons appris que la fameuse rééducatrice « depuis 3 ans » à l’origine d’un poste « E » en moins (cf. plus haut), après avoir participé au mouvement, a finalement abandonné son poste « G » après obtention d’une affectation différente, bien loin des RASED.

Quand on y pense…

Je vous garantis qu’après 25 ans d’ancienneté dont près de 20 ans dans ma spécialisation, je n’attendais aucun merci ; mais j’imaginais un peu de reconnaissance, un peu plus de respect, et non être ainsi jeté en pâture comme je l’ai été, au milieu d’événements totalement indépendants de ma volonté, de parents totalement ignorants des spécificités de ma fonction, et d’une Administration malheureusement éloignée des vraies réalités du terrain puisque paralysée par les impératifs budgétaires à la mode de chez nous… Des pions. Nous ne sommes plus que des pions, des « variables d’ajustement »… Comme on nous le répète de plus en plus maintenant : « Vous êtes titulaire d’une fonction, mais pas d’un poste ». Tout est dit…

Je n’avais rien demandé. J’espérais seulement pouvoir faire sereinement mon travail passionnant et que l’on respecte ma carrière consacrée dès le début à l’enfance en difficulté.


Commentaires

4 réponses à “Un pion, c’est tout.”

  1. Avatar de Geneviève
    Geneviève

    Jamais je n’aurais pensé que dans l’Education nationale puisse exister de telles choses. J’en suis sidérée…

  2. Avatar de Ericdelaciotat
    Ericdelaciotat

    Décidément… Cette notion de pions est vraiment entrain de se généraliser un peu partout dans notre beau pays… Et si ils en faisaient des économies dans le gouvernement ? Hein ?… Toujours les mêmes qui trinquent. Mais là faire trinquer nos enfants !!! A vomir…

  3. mon très cher Laurent, je viens de lire cet article avec attention mais comme tu le sais j’avais déjà suivi toute cette aventure déplorable, désolante et si lourde de conséquences….car bien évidemment la négation de ton excellence à “sauver l’avenir” (la formule est jolie et te va bien, je trouve) , qui a été pourtant bien appréciée des années durant, est finalement bien peu indispensable….
    toi qui me connais sais bien que nos qualifications respectives, moi d’infirmière-de-bloc-opératoire-diplômée-d’État et d’infirmière-hygiéniste-diplômée-de-la-faculté-de-médecine (je fais exprès, histoire de montrer que nous ne sommes pas tout à fait là par hasard….) sont , après des années à nous trouver si essentiels, bien mises à mal , niées, occultées au nom de la sacro-sainte économie budgétaire.ah elle va être belle la rentabilité de toutes ces coupes drastiques quand on se rendra compte du désastre….entre tous les enfants qui n’auront pu progresser faute de “soins des maîtres qui connaissent bien le sujet”, et tous les malades qui consommeront deux fois plus d’anti douleurs, anti dépresseurs, anesthésiques faute d’avoir pu être entendus dans leur peur (ben oui, nous les infirmières on passe désormais plus de temps à remplir des check-lists, des engagements nominatifs, des papiers, des signatures,à courir partout (Roselyne a t-elle prévu des greffes de bras et de jambes pour les soignants dans sa super loi ???) qu’à prendre soin de nos malades, les écouter, les ENTENDRE, faire notre métier quoi….et éviter à terme cette surconsommation qui coûtera infiniment plus cher )…..je ne parierais pas sur la bonne santé de notre pays, ni dans ce qu’elle contient de si précieux et qui est notre avenir à tous (nos enfants),ni dans la santé de ses citoyens….prévention? mais ce mot a disparu du dictionnaire, voyons !!!!

    mon long commentaire s’achève enfin…plaidoirie, oui, sûrement; en tout cas tu sais tout le bien que je pense de ce que tu es, et de ce que tu fais, depuis mon paysage volcanique du Puy de Dôme….et tous les mercis que je te dois pour mon propre site.

    à bientôt….

    Coco

  4. […] fermetures de postes en 2007 (un petit rappel « historique » est disponible ici), il nous restait trois psychologues, trois maîtres d’adaptation et deux rééducatrices. Au […]

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